Le Pouffre sétois et sa tielle

La Place de Pouffre à Sète
Histoire de la tielle
La tielle au quartier haut de Sète

Place du Pouffre à Sète

Si vous connaissez la ville de Sète, le plus grand port de pêche de Méditerranée, vous connaissez certainement sa place de la mairie sur laquelle se dresse une magnifique fontaine pieuvre dite « Fontaine du Pouffre ». Le poulpe, l’un des emblèmes de la commune, est appelé “le pouffre” dans le vocabulaire des pêcheurs languedociens.

La « Fontaine du Pouffre » de la place Léon Blum répond à plusieurs questions architecturales, historiques et politiques. En 1985, le maire de Sète, Yves Marchand souhaite transformer ce qui a été pendant 15 ans un parking sombre et envahi par la végétation en un lieu de rencontre et de détente. Le maire a offert la commande à Pierre Nocca qui a construit une grande fontaine représentant une pieuvre. Le sujet choisi par Pierre Nocca, une pieuvre, est une référence à la tielle, spécialité sétois, et à l’histoire de l’art où la pieuvre est apparue depuis l’Antiquité.

Histoire de la tielle : la spécialité de Sète

Sète célèbre le poulpe à travers l’une de ses spécialités gastronomiques typiques, à savoir la “tielle de pouffre”. Cette tourte est venu à Sète d’Italie avec des émigrants de Gaeta, au nord de Naples, à la fin du XIXe siècle, et plus précisément de la petite ville de pêcheurs de Borgo de Gaete, qui était sous domination espagnole au siècle de Charles V. À l’époque, un peu d’huile, quelques anchois et olives sur pâte, l’ancêtre de la tielle était un incontournable du quotidien.

Les Italiens remarquèrent très vite que la soldatesque ibérique fabriquait presque la même chose, mais recouverte d’une pâte. Cela les a certainement amusés, mais ils se sont rendus compte que cette tarte se conservait plus longtemps que leur pizza, qui séchait rapidement. A l’époque où les réfrigérateurs n’existaient pas, c’était très important, notamment pour la conservation lorsque les pêcheurs partaient en mer plusieurs jours. Les Italiens ont décidé de copier leurs envahisseurs en recouvrant leur pizza de pâte. La technique est perfectionnée et pour des raisons pratiques, la tarte n’est plus posée directement sur la sole du four comme pour la pizza, mais dans un plat en terre cuite appelé « teglia ». (Si vous allez en Espagne demandez une « empanada » et vous verrez la ressemblance).

A Gaeta, la tielle était préparée de plusieurs façons : tielles de la mer, avec poulpe, sardines, anchois, crevettes, moules… et tielles de la terre, avec escargots et pignons, œufs et courgette. Cependant, à Sète, seule la tielle de poulpe s’est imposée.

La tielle au quartier haut de Sète

La tielle était l’aliment de base des pêcheurs installés dans le quartier haut de Sète, où s’installait la communauté italienne. Comparé à l’opulente société sétoise enrichie par le commerce du vin, c’était un quartier pauvre où ils vivaient selon leurs coutumes et parlaient napolitain. La majeure partie de leur régime alimentaire était le poisson que les pêcheurs ramenaient à la maison. Ces pêcheurs ne se rendaient que rarement en ville. La société sétoise de l’époque n’appréciait pas la tielle, considérée comme la nourriture des pauvres.

Dans les années 1930, Adrienne Pages, née à Agde, tient une petite échoppe de coquillages avec son mari Bruno Virducci, un Italien du sud. Ses tartes au poulpe étaient réputées dans le quartier où elle les faisait cuire chez Lubrano, le boulanger de la rue Garenne dans le quartier haut de Sète.

Les voisins commencent à apprécier la tielle et en redemandent régulièrement, à tel point que le boulanger était débordé par les visites d’Adrienne et qu’il fallait trouver une solution. En 1937, son gendre, Mimi Cianni, se rendait à la foire de Marseille pour acheter un four adapté à installer au rez-de-chaussée de la maison. Et l’histoire a commencé là ; Adrienne ne se doutait pas que l’âge d’or de cette tarte commençait !

Adrienne a alors déménagé son petit commerce devant le bar La Marine et son fils Achille a installé une petite fabrique artisanale sous les escaliers de la rue du dessus face au marché aux poissons. Dans les années 1960, cette petite production était vendue à l’étal de coquillages de sa sœur Raymonde. Quelques années plus tard, Achille se marie et crée également son propre étal de coquillages où il vend ses tielles.

Les familles de tielle : Dasse, Virducci, Cianni

Jusque dans les années 1970, ces stands étaient les seuls endroits où l’on pouvait trouver des tielles à Sète. Puis, deux des filles d’Adrienne se lancent dans l’aventure de la tielle : l’une mariée dans la famille Dasse et l’autre dans la famille Cianni qui perpétue la tradition. C’est pourquoi aujourd’hui encore vous retrouverez les petits-enfants et arrière-petits-enfants à la tête des usines artisanales Dasse, Virducci et Cianni ; la tielle de Sète est l’apanage d’une dynastie, celle d’Adrienne et de Bruno Virducci ainsi que de leurs descendants, qui en ont hérité la recette et le savoir-faire.

Et la Giulietta ??!

Créée depuis 2015 par Cédric Annarumo, la Giulietta est une nouvelle venue dans le monde de la spécialité sétoise. Les tielles Giulietta sont fabriquées dans la plus pure tradition artisanale, épicées juste comme il faut. La boutique de Cédric, Giulietta, est un hommage à sa grand-mère, originaire de la région de Cetara près de Gaeta. « Je n’ai rien inventé », avoue-t-il, « Ma grand-mère faisait ça quand elle n’avait pas assez de pâte pour le recouvrir teglia ». La Giulietta est faite avec une pâte légèrement différente de la tielle et à l’intérieur elle contient des aubergines et du parmesan sur une sauce tomate épicée. A essayer !!!

Où acheter des tielles et la Giulietta ?

Pour déguster les meilleures Tielles de Sète, rendez-vous :
• Tielles Cianni Marcos, 24 Rue Honore Euzet or at the Tielles Cianni stand in Les Halles
• Dassé Patimer, 35 rue de la Révolution
• La Cettoise -Tielles aux saveurs d’antan, 2 Rue du Palais
• La Giulietta : 29 avenue Victor Hugo et dans Les Halles de Sète

NB: Toutes les photos ont été prise par Leigh et Mehdi Kamraoui et elles sont la propriété de lepouffre.com. Elles ne sont donc pas libres de droit.